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Henry de Groux

Henry de Groux
1866-1930
Je revois Henry de Groux avec sa face énigmatique d’ecclésiastique un peu inquiétant, ses yeux sensuels et noyés de rêves, ses longs cheveux plats coiffés d’un grand feutre, sa redingote de clergyman, son jonc à pomme d’or, sa politesse raffinée, son fusain génial qui fixait en quelques traits, d’un air négligent , sur le papier l’âme de son modèle, telle que le modèle était étonné et parfois effrayé d’une telle révélation. A côté de lui je revois sa femme, mystique des Flandres, et sa fille à l’aspect de tzigane, qui dans l’art de la gravure s’était mesurée aux aigles qu’elle avait observés au jardin zoologique d’Anvers, « la jeune fille qui peint les aigles » comme l’avait nommé le poète Emile Sicard.

Comment Henry de Groux repose-t-il dans la terre de Provence ? Il faut remonter jusqu’en 1892, il faut évoquer ce Paris d’alors, tout bourdonnant de querelles esthétiques ou pointillistes, tachistes impressionnistes, fauves de toutes sortes luttaient âprement contre les défenseurs des traditions académiques. Au milieu de ce tumulte apparaissait soudain, un jeune belge candide, fils d’un grand peintre et peintre lui-même.

Henry de Groux, revenant d’un seul coup aux grandes compositions de jadis, sans souci des modes des écoles, des petites discussions byzantines, apportait aux Parisiens de 1892, une immense toile, où le Christ agonisait entouré d’une foule immonde, dont les vagues horribles déferlaient jusqu’à sa détresse : « Le Christ aux outrages ». Signalé de la sorte, Henry de Groux se mêlait peu à peu, au groupe des poètes qui essayaient, entre 1892 et 1900, de rénover la poésie, par un mélange de symbolisme et de naturalisme. En ces milieux littéraires auxquels l’apparentait son art chargé de pensées et de poésies, Henry de Groux rencontrait Louis le Cardonnel, en quête d’un idéal qu’il allait satisfaire par le sacerdoce.


Le christ aux outrages – Henry de Groux

Puis Emile Sicard, poète de la Provence le fit venir auprès de lui pour travailler un buste d’Emmanuel Signoret et en 1914 le buste était prêt, posé déjà sur une place de Lançon au milieu de beaux platanes qui se dilataient dans l’ardeur et la lumière de l’été provençal.

Un jour, Henry de Groux à Avignon se trompe de porte et s’en alla frapper au Roure, cet ancien hôtel de la famille des Baroncelli acquis, à cette date, depuis peu de temps, par Jeanne de flandreysy. Henry de Groux expliqua son erreur, mais il fut invité à passer tout de même la journée en cette belle vieille demeure : il y passa la journée et trois années encore.


Pétraque
Henry de Groux
En cette ville où avait passé, aimé, chanté Pétrarque, Henry de Groux, pèlerin passionné de Florence, se retrouvait à l’aise, il débute là par un magnifique Pétrarque tout entouré des lauriers symboliques qu’il avait chantés et cueillis pour Laure ; Dante suivit, tout naturellement, car de Dante, certainement Henry de Groux a été, en ces dernières années, l’interprète le plus inspiré, le plus puissant, le plus original.

La barque de Caron – Henry de Groux
Les captifs, les violents, les faux prophètes crispent leurs membres torturés, Béatrice montre le paradis, la barque de Caron tranche les eaux lourdes sous le poids des damnés, la pluie de feu les dévore….

La pluie de feu – Henry de Groux

Ensuite il put s’installer sur le Vieux Port de Marseille. Soleil, mistral, odeur de coquillages, autos, reflet des barques dans l’eau bleue, amalgame de couleurs, de parfums, de sons qui se pénètrent à une lumineuse unité, et par-dessus le tout, dans l’azur, le sourire doré de Notre Dame de la Garde, voilà le cadre célèbre, où pendant 5 ans, Henry de Groux a travaillé, au N°15 du quai de Rive-neuve. En ce temps là une sorte de joie intérieure semble, sous l’influence de la Provence avoir animé son œuvre, il faisait danser sur ses toiles d’étranges farandoles, sous les pins secoués de Mistral, devant une mer empourprée par le couchant, toute une ivresse de mouvements qui allaient des hommes, jusqu’aux arbres ; il y composait, pour ce grand théâtre qu’il ne se contenta pas d’habiter, mais il voulait orner, en deux vastes fresques, un festin de Trimalcion tout grouillant de vie orgiaque, évocateur de ce Pétrone dont on nous dit qu’il était originaire de Massilia. Il y brossa maints poèmes à l’huile, ou au fusain, de marseillaises et de marseillais, dans les yeux desquels, il inscrivait toute la langueur du Midi latin, grec et déjà oriental.

Henry de Groux aimait la Provence, lui qui avait tant aimé l’Italie ; de cette Italie, il retrouvait en Provence, les horizons les monuments, la bonne grâce, la familiarité caressante, il était aimé de tous ceux qui, à Marseille, en Avignon, a Aix, avaient eu le bonheur de l’approcher ; son entretien était simple, cordial, plein d’exquise finesse, de politesse quasi-ecclésiastique, d’anecdotes abondantes et précieuses.

Notes d’Emile Ripert à propos d’Henry de Groux


Emile RIPERT par Henry de Groux – 1927

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