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Frédéric Mistral

Musique : Concerto pour violon en mi mineur opus 64 (1er mouvement – allegro) – Félix Mendelssohn (1809-1847)

1901 première entrevue d’Emile RIPERT avec Frédéric MISTRAL :

« Lire Mistral, c’était bien, mais lui écrire et l’aller voir, c’était bien mieux. Je commençais par écrire et par bien me présenter, je le fis en vers…hélas ! mais en vers français, dans un poème en l’honneur de Mireio sur le rythme même de Mistral, la strophe de sept vers si difficile à manier en français. Je n’y réussis sans doute pas trop mal, car Mistral me répondit. On sait du reste qu’il répondait à tout et à tous, ayant pris cette habitude charitable en souvenir du chagrin qu’il avait éprouvé du silence dédaigneux de Jasmin, auquel à quinze ans il avait envoyé une « piécette admirative ». Mais encore y avait-il des nuances dans les lettres de Mistral ; celle qu’il m’adressait était fort encourageante et elle se terminait par une suggestion intéressante :



Émile RIPERT
1882-1948
“E ounour de segur farias à la Prouvenço, se patriouticamen vous adounassias de cor à l’estudi
de sa lengo ; mai aco se coumando pas, es une passion coume une
autro, es esta la mieuno à vint an n’i’a proun que l’on partajado
(Et honneur assurément vous feriez à la Provence, si patriotiquement vous vous adonniez de cœur à l’étude de sa langue ; mais cela ne se commande pas, c’est une passion comme une autre : c’a été la mienne à vingt ans et il y en a beaucoup qui l’ont partagée.)

Frédéric MISTRAL
1830-1914

Encouragé par cette jolie lettre et cette marque de confiance que me donnait le grand poète en me livrant, à moi, pauvret, une strophe encore inédite, je décidais d’aller à Maillane et de mettre pour ce voyage à profit les vacances de Pâques. Ce que me fut ce voyage, les émotions qu’il suscita dans mon âme, les espérances qu’il y ouvrit, je l’ai dit en vers dans un long poème intitulé justement « Pèlerinage à Maillane ».

C’étaient bien les sentiments du pèlerin dont j’étais animé, une ferveur, une candeur, l’admiration naïve d’une âme de vingt ans, c’était alors mon âge exact, j’allais par le train de Tarascon, à la gare de Graveson, petit trajet, et là, soit qu’il n’y ait pas de diligence à ce train pour Maillane, soit que je l’eusse laissée de côté, pour avoir plus de mérite, pour mieux voir le paysage ou pour ne pas arriver trop tôt, je m’acheminai à pied ; je saluai à la croisée des chemins l’auberge du Petit Saint Jean, dont la belle servante avait été chantée par l’ardent Aubanel, puis je pris le chemin encore blanc à cette date, sous les platanes frais du premier printemps, qui menait à Maillane. C’était le début d’Avril, les champs étaient en fleurs, temps vraiment pascal, doux, lumineux et tendre.


Eglise de Maillane où Mistral fut baptisé


Illustration du livre d’Emile RIPERT –
1931
Avec MISTRAL sur les routes de Provence

Je découvris avec émotion le village, sa place, ses cafés…

J’allais quelques instants près de l’église pour me donner du courage, et enfin, je me dirigeais, le cœur battant, vers la petite maison, qu’on m’avait indiquée, comme étant celle du poète.

Je poussai la grille toujours ouverte, contournai la maison, entendis aboyer les chiens qui se précipitaient vers moi, et soudain les rappelant de la voix et du geste, je vis paraître sur le seuil le Poète majestueux et familier, tel que je l’avais rêvé. Je me présentais ; Mistral voulait bien se souvenir de mon poème et de la lettre qu’il m’avait répondue.


La maison au Lézard
Ce que nous dîmes exactement dans cette conversation s’estompe peu à peu dans mon souvenir, après plus de quarante ans, néanmoins je me rappelle ce trait relatif à Alphonse Daudet, que j’admirais beaucoup naturellement et auquel je souhaitais ressembler un peu, comme écrivain français de la Provence.

La salle à Manger de Mistral

Frédéric MISTRAL
1830-1914
Alphonse Daudet était mort en Décembre 1897, il y avait donc à peine un peu plus de cinq ans ; son souvenir était encore tout frais dans le cœur du grand poète, qui avait été son ami dès sa jeunesse.

Il me contait avec émotion ses dernières années, sa maladie, ses souffrances :

« Je lui disais parfois : reviens chez nous, au bon soleil qui te guérira ! Il me répondait :

Ah ! qu’est-ce qu’ils diraient à Paris ?

Eh !  Crebo couioun »
concluait rudement Mistral dans son affection meurtrie et bourrue.


Alphonse DAUDET
1840-1897

C’est ainsi qu’Emile devint le disciple de Mistral avec lequel il entretiendra des relations d’amitié de 1901 jusqu’à sa mort en 1914.


La versification de Frédéric Mistral 1918
Au printemps 1907, de retour d’Italie, comme je me rendais à Paris, je m’arrêtai à Maillane. Dès cette époque Mistral commençait à me prendre au sérieux, non seulement pour mes vers, mais plus encore peut-être pour le projet que je lui avais exposé de consacrer mes thèses de doctorat à la génèse du Félibrige et de son œuvre. Il m’y avait vivement encourage et l’année suivante nommé professeur au Lycée de Toulon, je commençais à la bibliothèque municipale et dans celle de l’Escole de la Targo les recherches qui devaient aboutir sept ans après à la rédaction définitive de mes thèses sur
la renaissance provençale et la versification de Mistral

La renaissance Provençale 1918

J’ai reçu bien des lettres de Mistral que je garde pieusement ; il m’y donnait sur ses débuts des détails précieux avec la plus ferme sûreté de mémoire et les écrivait de façon aussi nette que dans ses premières années.

La dernière visite que je fis à Maillane doit se placer vers l’automne de 1912 ; je me rappelle un décor de feuilles jaunissantes, et la nuit qui tombait sur la place où Mistral me raccompagnait jusqu’à la diligence. Elle partait dans un fracas de sabots et de grelots, de claquements de fouet. Le grand poète me fit de la main un signe de bon voyage, qui devait être un signe d’adieu.


La place de Maillane
Mais pendant plus d’un année encore je devais correspondre avec le maître, qui voulait bien m’envoyer jusqu’au bout des renseignements utiles ; sa dernière lettre date de Janvier 1914 et l’écriture en est aussi ferme, aussi nette que jamais ; enfin comme en Mars je devais faire dans un cercle évangélique de Marseille une conférence sur « Mistral, poète chrétien », j’avais envoyé au poète la carte qui l’annonçait, il m’adressa quelques jours après une carte postale qui le représentait au pied de la croix qui se dresse au carrefour des routes de Maillane, avec ces simples mots qui forment deux octosyllabes sans rimes :

« Sias trop brave, au Paradis vaqui que mounte sènso escalo » (vous êtes trop bon, au Paradis voilà que je monte sans échelle…)

Sans échelle, au Paradis en effet, voici que quinze jours après il montait, le 25 mars, jour de l’Annonciation de la Vierge. Et depuis je n’ai plus rien reçu de lui, si ce n’est le sentiment parfois de sa présence immortelle et de sa paternelle protection.

MISTRAL
fondateur du FELIBRIGE LE FELIBRIGE

MISTRAL
et MIREILLE MIREILLE

MISTRAL documentation

1870 – MISTRAL par DAUDET dans « Les lettres de mon moulin »
29 mars 1909 – Lettre de Frédéric MISTRAL à Emile RIPERT
9 mars 1914 – Lettre de Frédéric MISTRAL à Emile RIPERT
28 octobre 1930 – Les fêtes de MISTRAL à ROME
24 mars 1935 – Articles de presse Hommage à Frédéric MISTRAL
25 mars 1939 Extrait du discours d’Emile RIPERT

8 septembre 1941 – Article Emile RIPERT : MISTRAL poète du Rhône

Inauguration du Monument Frédiéric MISTRAL – discours Emile RIPERT
Une anecdote extrait du manuscrit « Les poètes que j’ai connu« 

 
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